Octobre. Le val d’Incles, déserté par les foules estivales, retrouve son calme. Sous un ciel couvert, une lumière laiteuse adoucit les reliefs et renforce l’atmosphère feutrée. Nous avons la chance de pouvoir nous garer directement sur la petite route, au départ du sentier balisé menant au refuge de l’Estany de Cabana Sorda. En pleine saison, il faut laisser la voiture bien plus haut, au parking du Pont de la Baladosa (1832 m), et rejoindre ce point de départ à pied, la circulation étant alors interdite dans la vallée.

Un panneau indique la direction du refuge et du lac. Le sentier grimpe d’abord franchement dans la pinède avant de s’ouvrir sur de larges pentes herbeuses. La vue sur le val d’Incles se dégage rapidement. L’air est vif, l’ambiance déjà montagnarde.

Nous atteignons sans difficulté l’Estany de Cabana Sorda (appelé aussi Estany del Querol), niché à 2 290 mètres dans un petit cirque encadré de modestes sommets. Le temps se referme davantage : les nuages s’accrochent aux crêtes, effaçant peu à peu les reliefs lointains.

Sur les rives du lac s’élève le refuge de Cabana Sorda. Construit en pierre, ce petit abri non gardé appartient au réseau des refuges libres d’Andorre. Sommaire mais chaleureux, il peut accueillir une vingtaine de randonneurs et reste accessible toute l’année.

Depuis le lac, nous poursuivons à flanc vers l’est, sur un sentier qui suit les courbes de niveau sans réel dénivelé, jusqu’à un deuxième étang plus discret : l’Estany d’Anrodat (2 282 m). Ici, l’atmosphère se fait plus pesante. Les nuages enveloppent le paysage, les couleurs s’éteignent, et l’on sent déjà le souffle du vent venu des crêtes.

La suite est plus aventureuse : une descente raide et peu marquée nous attend, pour rejoindre le fond du vallon, là où serpente le ruisseau de Manegor (parfois écrit Manegat selon les cartes). Il faut rester attentif à l’itinéraire parfois un peu confus dans ces pentes raides.

Une fois en bas, plusieurs options s’offrent à nous : la plus simple consisterait à redescendre directement par le vallon vers le parking. Mais… malgré le ciel menaçant, nous remontons le superbe vallon suspendu qui s’élève en pente douce vers le port de Fontargente.

Le port de Fontargente (2262 m), malgré son altitude modeste, offre un vaste panorama quand il est dégagé. Le toponyme signifie littéralement “fontaine d’argent” en catalan (font = source, argente = argentée). Autrefois, ces sources claires scintillaient au soleil, donnant leur nom au col. Mais le lieu avait aussi une importance toute particulière : il servait de passage transfrontalier entre l’Andorre et la vallée d’Aston en Ariège, un itinéraire traditionnel pour les bergers, les contrebandiers et les voyageurs.
Le vent est devenu tempétueux : il nous oblige à chercher refuge derrière de gros rochers au sommet, le temps d’une courte pause, à l’abri des rafales glaciales.

Le retour s’amorce ensuite par le sentier bien tracé qui descend tranquillement jusqu’au Pont de la Baladosa, où quelques voitures patientent en silence.

Il ne nous reste plus qu’à revenir à pied sur la petite route du magnifique Val d’Incles, le long du ruisseau, dans cette ambiance calme si caractéristique des saisons creuses. Le val d’Incles se distingue également par son architecture traditionnelle en pierre. Les « bordas », anciennes granges typiques, et les maisons montagnardes sont construites en granit local. Leurs toits de lauze sombres et leurs balcons en bois apportent une chaleur rustique qui contraste avec la minéralité des murs. Cette harmonie entre pierre, bois et ardoise donne au vallon une atmosphère authentique, profondément enracinée dans la vie pastorale d’autrefois. Aujourd’hui encore, cette architecture discrète et élégante s’intègre parfaitement à l’environnement, renforçant le caractère préservé et intemporel du val d’Incles.